BWV 859 – Fuga XIV in fis Moll – 1er Livre

Cette fugue en fa# mineur est d’une facture très mélodique. Le Sujet présente une cellule de trois notes conjointes ascendantes (a), reprise immédiatement en diminution un degré plus haut (a’), puis a » nous mène jusqu’à la dominante. La dernière cellule (d) procède par mouvement contraire et redescend sur la tonique en utilisant a inversus. Un tremblement (avec terminaison si l’on souhaite) agrémente la pénultième note du sujet. Résumons : ambitus restreint (5te), notes conjointes, variété rythmique (valeurs diversifiées), sentiment d’accélération, comme si l’on rassemblait ses forces pour monter jusqu’à la dominante, puis renonciation. Sujet très expressif avec un matériel très resserré !

Le premier Contre-Sujet procède à l’inverse : il commence par une descente par degrés conjoint en croches (b), répétée une fois (faisant la part belle aux appogiatures), puis valeur longue avant de remonter à l’aide d’un tétracorde ascendant. Un saut de quarte ascendant nous ramène à la note initiale, brodée au demi-ton. Naturellement les valeurs sont complémentaires de celles du Sujet. C’est un modèle de composition pour un contre-sujet (complémentaire du sujet) !

Le deuxième Contre-Sujet est irrégulier ; il est en constante évolution. Il me semble qu’il est en gestation dans ses deux premières propositions et qu’il trouve sa véritable essence dans la dernière. Voici les trois formules superposées :

Plan de la fugue : on peut distinguer deux parties d’égale durée

  • 1° partie mes 1. à 20,5 : Exposition des 4 voix, avec 1 conduit et 2 épisodes.
  • 2° partie mes 20 à 40 : Sujet inversus, épisode 3, réponse, conduit, passage en contrepoint triple, Sujet inversus, épisode 4, ultime Sujet au ton principal.

Le premier conduit est composé exclusivement à l’aide du tétracorde ascendant présent dans le sujet mais aussi juste avant dans le 1° Contre-Sujet.

Le premier épisode se situe entre la 3° et la 4° entrée ; il se situe donc à la place d’un second conduit. Il commence d’ailleurs comme le premier conduit, puis fait apparaître des gammes descendantes (queue de la première présentation du C.S. 2) et des formules broderies. Son développement m’incite à le nommer 1° épisode.

Le deuxième épisode commence également par l’utilisation des tétracordes ascendants, puis de la cellule initiale (b) du 1° Contre-Sujet.

La présentation du Sujet inversus abandonne les contres-sujets. Elle soutient à la place le corps du Sujet en augmentation et voit la première imitation de la cellule (b) du C.S. 1 mes. 21 à la basse. Cette voix de basse utilise ensuite b inversus, puis l’imitation toujours de b.

Cette voix se perpétue dans l’épisode 3, très court.

La réponse suivante se superpose avec le 1er C.S. et une basse libre, volubile en croches.

Après un bref conduit identique au premier (un octave plus haut), le discours revient au contrepoint triple.

La présentation du Sujet inversus suivant voit apparaître les tétracordes descendants et les gammes ascendantes (inversus des précédents) et utilise toujours l’imitation de la cellule b du C.S. 1. Cette cellule en imitation alimentera l’épisode 4 suivant et l’ultime présentation du sujet au ton principal, accompagné du C.S. 1.

Voici une nouvelle fugue, au caractère très expressif. L’utilisation d’un ambitus restreint des éléments thématiques, conjugués avec la prédominance des mouvements conjoints et des appoggiatures et notes répétées, confère à cette œuvre une fluidité remarquable.