BWV 847 - Fuga II In C – 1er Livre

Le prélude adopte cette fois encore une écriture répétitive qui va nous permettre de parcourir l’étendue de tous les tons voisins d’Ut mineur. La cellule de base n’est pas sans rappeler l’écriture pour le violon avec une note aigüe sur une corde et la broderie sur une autre. Une première surprise intervient mes. 28 avec le changement de tempo (Presto) faisant suite à trois mesures arpégées qui rompent déjà le discours initial. Puis l’Adagio qui déclame deux guirlandes de triple et quadruples croches (qu’il convient de jouer librement), avant reprise  de l’Allegro et des formules arpégées. Il résulte de tout cela un discours très prenant, alors que la première partie très répétitive aurait pu devenir lassante !

Cette fugue à trois voix comporte 31 mesures : on peut distinguer deux parties de 14 mesures chacune et une coda de trois mesures. Je détermine deux parties car elles sont d’égales valeurs (14 mesures) et qu’il y a manifestement une cadence très affirmée en Ut m entre les mesures 14 et 15. La mesure 28 se termine par une suspension très expressive conduisant à une cadence parfaite en Ut Mineur mesure 29, les deux dernières mesures consistant en une ultime entrée du sujet sur pédale de tonique.

 

Dans la première on rencontre une exposition à trois voix selon le plan Sujet | Réponse | Sujet dans l’ordre des voix Alto | Soprano | Basse, puis une entrée au relatif majeur (IIIème degré : mi b M), à la voix de Soprano.

 

Dans la seconde on rencontre une réponse puis deux sujets, dans la tonalité d’Ut m pour les sujets et sol m, dominante du ton principal pour la réponse. Je note l’absence de stretto, de quelque nature que ce soit.

 

En revanche, j’observe que :

  • dans la première partie: entre la deuxième et la troisième entrée, ainsi qu’entre la troisième et celle au relatif, il y a deux mesures, à chaque fois, utilisant des éléments du sujet, ainsi qu’une formule en gamme.
  • dans la seconde partie ces épisodes prennent de plus en plus d’importance (mesures 17, 18, 19 puis 22, 23, 24, 25 et 26).

 

Analyse du sujet: il s’agit d’un sujet commençant par la tonique et finissant sur la médiante. Deux éléments sont structurels de ce sujet : la cellule broderie a (do si do) revenant trois fois, et l’élément disjoint (b, b‘, b ») qui s’élargit à chaque fois d’un degré (4te puis 5te puis 6te). On pourrait découper ce sujet en trois appels aboutissant à la syncope fa sol la, sol fa mi.

 

Analyse de la Réponse : la mutation s’effectue normalement, en tête de sujet, dès que le 5° degré à été touché. Le 5° degré devient 1° et tout ce qui suit cette note, appartient au ton de la tonique dans le sujet, donc au ton de la dominante dans la réponse :

Le premier contre-sujet est facilement identifiable puisqu’il apparait contre chaque entrée, excepté la dernière sur la pédale de tonique. Il s’agit d’une ligne de croches conjointes descendantes puis ascendantes avant le saut de 5te diminuée conduisant à une broderie autour du sol : fa sol la fa|sol. Ce contre-sujet ne subit pas de mutation.

Le deuxième contre-sujet (mesures 7/8 à l’alto) est irrégulier dans sa deuxième apparition mesures 11/12; il faut donc attendre sa troisième apparition mesures 15/16 pour lui octroyer le statut de contre-sujet.

Un autre élément est utilisé, la Coda du Sujet, continuation du sujet contre le début de la réponse : une simple gamme descendante. Elle sera utilisée dans les divers épisodes, que je nomme Episodes 1, 2, 3, 4 & 5, tantôt dans sa forme descendante, tantôt ascendante.

Voici le plan des superpositions successives des Sujets (ou Réponses) avec les Contre-Sujets 1 & 2 :

 

Analyse des épisodes libres : (Rappel : EPISODE = DIVERTISSEMENT SUR DES ELEMENTS CONNUS)

1er Episode ou CONDUIT : éléments broderies + saut de 6te, répétés 3 fois, en marche, accompagnés par une gamme ascendante. Ce 1er Episode sert de conduit avant la troisième entrée et nous mène de sol m à Ut m par fa m & sol m. J’ai élu, exceptionnellement ce Conduit au rang de premier épisode car il est assez développé et sera repris quasiment à l’identique dans le 4° épisode.

2ème Episode : réponses entre soprano et alto sur la tête du sujet (broderie + saut de 4te), accompagnées par un mouvement continu de doubles croches en gammes à la basse. Parcours tonal de Ut m à son relatif mi b M par fa m & si b M.

3ème Episode : formules en gammes au soprano, utilisation de la deuxième cellule du 2ème CS, en tierces aux deux autres voix. Parcours tonal de mi b M à Ut m pour réponse à sa dominante.

4ème Episode : même utilisation des éléments qu’au 1er
avec inversion des voix et ponctuation de la broderie au soprano. Trois
mesures de divertissement avec de nombreuses modulations ; départ en sol m, puis fa m, sol m, Ut m, si b M, arrivée en Ut m.

5ème Episode : même technique d’utilisation des éléments qu’au 2ème développée sur 4 mesures et demie.

 

 

Conclusion :

Une analyse sommaire du sujet conduit à s’apercevoir qu’aucune entrée resserrée n’est satisfaisante, compte tenu du caractère répétitif de la broderie initiale et des sauts en augmentation perpétuelle. En choisissant un tel sujet, J.S. Bach s’interdit donc le projet habituel des strettes. L’intérêt de cette fugue va donc naturellement se porter sur les épisodes, qui prennent effectivement de plus en plus d’importance. L’utilisation systématique dans ceux-ci de la tête du sujet ainsi que des autres éléments structurels, tant des CS que de la formule coda du sujet, en gamme, confère à cette fugue une grande unité et une fluidité très remarquable qui laisse presque oublier les entrées des véritables sujets ou réponses. Les entrées canoniques sur la tête du sujet dans les épisodes, donnent l’illusion de strettes.

Après la première fugue en Ut majeur, qui utilisait grandement les entrées resserrées, Bach nous propose une fugue totalement différente, écrite en contrepoint triple.