Clavier Bien Tempéré- Introduction

Le Clavier bien tempéré (1er Livre)

BWV 846 à 869

En premier lieu il convient de situer clairement ce recueil dans la production de J.S. Bach et dans l’histoire de la musique, plus précisément dans celle de l’évolution du tempérament.

Voici le titre traduit en français :

Le Clavier bien tempéré, ou Préludes & Fugues dans tous les tons et demi-tons, concernant tant la tierce majeure, ou Ut Re Mi, que la tierce mineure, ou Re Mi Fa. Pour le profit et l’usage des jeunes musiciens désireux de s’instruire, aussi bien que de ceux qui ont déjà acquis une habileté dans cette étude, composé et confectionné par Jean Sébastien Bach. p. t. : Maître de Chapelle du Prince Leopold d’Anhalt Köthen et Directeur de sa Musique de chambre, Anno 1722.

Deux remarques liminaires : Bach n’utilise pas le terme de Tonalité, qui n’existe pas encore, et précise donc par les tierces les tonalités majeures et mineures ! La didactique ensuite : ce recueil s’adresse autant aux instrumentistes désireux de se perfectionner qu’aux autres déjà chevronnés ! Pourquoi donc ? C’est apparemment impossible, hormis des niveaux de difficulté très hétérogènes, ce qui n’est pas franchement le cas, les plus simples étant déjà relativement difficiles. A mon sens il s’agit soit de l’exécution, soit de la composition. Et là, la leçon est magistrale…

Ce premier livre a été mis au net en 1722. Mais Bach y apportat ensuite des corrections jusqu’en 1736. Nous possédons aujourd’hui de manière certaine des copies de divers élèves ou personnes de l’entourage immédiat de Bach, qui reflètent ainsi les différentes strates de cette composition. (Christian Gotlob Meißner, Anna Magdalena Bach, Johann Friedrich Agricola, Johann Gottfried Walther, Johann Christoph Altnickol).

A mon avis il s’agit d’une véritable leçon de contrepoint, que J.S. Bach a sûrement proposé comme étude à ses élèves. Je me plais à imaginer qu’il leur a proposé le Sujet puis corrigé les épreuves à la lueur de son propre travail, quitte à recomposer quelques passages au gré de l’invention d’un de ses élèves… Cela expliquerait les différences entre les versions successives…

Toujours est-il que ces deux recueils ont constitué le livre de chevet de tous les compositeurs des XIXe et XXe siècles. Chopin faisait travailler à ses élèves « Le Clavier bien tempéré » avant tout autre chose !

La deuxième considération d’importance c’est le titre de « Bien tempéré ».

Nous n’avons pas de traces d’utilisation d’un tempérament parfaitement égal avant le XIXe siècle, même si Mersenne le décrit au XVIe siècle. Hors les tonalités « extrêmes » d’Ut# Majeur ou Fa # Majeur par exemple ne sont supportable qu’avec un tempérament quasi égal ! A mon avis il devait ré-accorder le clavecin pour exécuter ces tonalités extrêmes. C’est en tous cas un manifeste pour s’éloigner du tempérament mésotonique encore en usage sur les orgues…

 

Analyse de la fugue

J’ai adopté la terminologie de Marcel Bitsch & Jacques Bonfils développée dans leur ouvrage : La fugue, éditions Combre 1993. (Voir dans le menu Glossaire)

La seule différence avec les habitudes précédentes en France, c’est l’utilisation de deux termes distincts pour les passages libres : Episode lorsque l’on se divertit sur des éléments connus et Divertissement lorsque le matériel est nouveau, ce qui est assez rare nous le verrons.

La Fugue est une forme libre et aucune des Fugues du Clavier bien tempéré n’adopte le même schéma. Il est néanmoins possible d’en regrouper la plupart dans cinq catégories principales : ces descriptions restent donc évidemment théoriques puisque chaque fugue proposera un plan particulier.

1° : Corps et Stretto

1° partie : Corps : Exposition des voix, Episode (s), 4° entrée dans le cas d’une fugue à 3 voix)

Point central

2° partie : Stretto : apparition de strettes à 2, 3, 4 etc… (superposition des sujets et ou réponses), en allant dans le sens d’un plus grand resserrement (en général).

Exemple CBT 2 – Fuga II BWV 871

CBT 2 – Fuga VI BWV 875

2° : Fugue en contrepoint triple

Alternance de passages rigoureux en contrepoint triple et d’Episodes libres (divertissements).

En général dès l’exposition, après l’apparition du 1° Contre-Sujet contre la Réponse, un second C.S. est exposé en plus contre la troisième entrée. Ces deux contre-sujets doivent être écrits en contrepoint renversable (c’est à dire pouvoir se situer au dessus ou au dessous du Sujet). C’est pourquoi on parle de Contrepoint triple. L’élégance consiste à présenter toutes les superpositions possibles.

Exemple CBT 1 – Fuga II BWV 847

3° : Fugue en séquences

La fugue est césurée par des cadences parfaites (ou imparfaites parfois), mais les différentes parties sont clairement identifiable. La plupart du temps, le discours recommence à deux voix seulement et le projet de la fugue change. 1° séquence : Exposition 2° Séquence : apparition d’un 2° C.S. 3° Séquence : exposition de l’inversus du Sujet…. etc

L’exemple le plus impressionnant et le plus clair est la fugue en Ut majeur BWV 547 pour orgue (voir Grandes pièces pour orgue).

4° : Fugue-strette

Dès l’exposition la réponse commence alors que le sujet n’est pas fini. Cela est en contradiction avec la règle qui consiste à répondre (en général sur la dominante) lorsque le Sujet est terminé.

Exemple : CBT 1 – Fuga IX en mi majeur BWV 854

CBT 2 – Fuga III en Ut # majeur BWV 872

5° : Double Fugue – Triple Fugue

Après l’exposition et le développement d’un premier Sujet, la fugue « expose » un deuxième sujet. Elle recommence soit à 2 voix soit carrément à 1 seule voix. Une troisième fugue peut aussi voir le jour par la suite. Le but étant de superposer ces trois sujets (les 2° et 3° servent donc de contre-sujets au 1°), il est donc nécessaire pour parler de double ou triple fugue, que ces nouveaux éléments soient exposés, c’est à dire présenté dans un nombre de voix suffisant dans l’alternance Sujet / Réponse. S’ils ne sont pas « exposés », ces nouveaux élément s’appellent respectivement 2° et 3° contre-sujets.

Exemples : Double fugue : Fugue  en fa majeur pour orgue BWV 540/2

Triple fugue : Fugue  en mi b majeur pour orgue BWV 552/2

Clavier bien tempéré

1° : Fugue en Corps & Stretto

BWV 871 –  Fuga II – c moll – CBT 2

BWV 875 Fuga VI – d moll – CBT 2

2° Fugue en contrepoint triple

CBT 1 :

BWV 847 Fuga II – c moll

BWV 848 Fuga III – cis Dur (Césurée en Séquence)

BWV 852 Fuga VII – Es Dur

BWV 857 Fuga XII – f Moll

BWV 859 Fuga XIV – fis Moll

BWV 863 Fuga XVIII – gis Moll

BWV 866 Fuga XXI – B Dur

BWV 868 Fuga XXIII – H Dur ( Les épisodes sont aussi en Contrepoint triple)

 

3° : Fugue en Séquences

BWV 848 Fuga III – cis Dur (en contrepoint triple)

BWV 849 Fuga IV – cis Moll

BWV 853 Fuga VIII – dis Moll

BWV 855 Fuga X – e Moll ( 2 séquences, la 2° renversable de la 1°)

BWV 865 Fuga XX – a Moll

4° Fugue – Strette

BWV 854 Fuga IX – E Dur – CBT 1

BWV 872 Fuga III – Cis Dur – CBT 2