BWV 547 – Præludium e Fuga in C-Dur
Ce diptyque a été manifestement écrit pour la fête de l’Epiphanie. En effet la comparaison avec la cantate Sie werden aus Saba alle kommen BWV 65 est suffisamment éloquente. La tradition du temps de Bach était de jouer le prélude à l’entrée et la fugue à la sortie. La cantate, c’est l’évangile du jour chanté. Voici donc le thème du premier chœur de cette cantate pour l’Epiphanie :


Dans son prélude, Bach introduit une formule récurrente , au pédalier, issue de la deuxième phrase de la cantate, qui symbolise la descente du Christ sur la Terre :

Nous verrons même dans la fugue, la citation de la formule caractéristique du choral « Nun komm der Heiden Heiland ».


Tout, ici, tourne autour de la personne de Jésus récemment né dans une condition ineffable. Néanmoins, ce diptyque est d’un caractère grandiloquent ; il s’agit de rendre gloire au Roi des Rois, hommage rendu par les Rois Mages, avec des offrandes de grande valeur. Nous verrons ce que Bach fait à la fin de la fugue.
Tout d’abord voici le prélude : il est entièrement construit autour de ces deux idées : la quasi citation de la cantate et la formule « descente » au pédalier :

Thème A : a, b, c
Arpège : Arp.
La formule « Descente » au pédalier ornée de ses broderies au manuel :
L’arpège avec la guirlande de doubles :
Le thème principal est composé de trois éléments et de la formule « Descente » :
a : gamme d’Ut M : mouvement conjoint, diatonique et ascendant en groupe de 3 notes.
b : saut de 4te, 5te puis 6te .
c : trois groupes de 4 doubles / croche : mouvement ascendant, puis deux broderies.
Ce groupe « c » est accompagné par un arpège dans la mesure 4 (Arp.).
La formule descente est, au début de l’œuvre, toujours présentée avec la formule encadrée en bleu léger, issue de « c ».
Remarquez que la formule « Descente » au pédalier procède de l’Inversus de « b » (mesure 2) en intervertissant seulement les intervalles de sixte et de quinte !

Dernier élément exposé, l’encadré orange, suite de doubles croches descendantes, formule qui n’est pas sans rappeler les Variations sur Vom Himmel hoch, da komm ich her BWV 769 (Du haut du ciel, je viens ici)

La structure du prélude est une alternance de présentations du thème en canon (Le Fils à l’image du Père) et de commentaires sur ces divers éléments. En réalité, l’élément prépondérant, à l’audition, c’est la formule « Descente ». Les cinq éléments présentés servent de contrepoint à cette formule caractéristique.
Voici à l’aide de lettres l’organisation de ces diverses séquences :
A : Canon soprano / alto, apparition de la formule « Descente », fin du canon, nouvelle formule « Descente », 1er commentaire (« a » en canon, puis superpositions de « a » inversus).
B : Renversable de A au ton de la Vte : Canon alto / soprano (renversement des voix) puis commentaire 2 (d’abord identique, puis 4 formules descentes enchaînées avec comme contrepoint une succession de broderies).
C : Canon à trois voix sur la première phrase « a », superposition avec la formule « Descente » et apparition d’un 2ème contrepoint possible sur « a ». (Le premier étant « b » du thème, présenté en canon), commentaire 3 (« a » avec son nouveau contrepoint, puis formule « Vom Himmel hoch » et imitation de »c ». reprise des 4 « Descentes » avec leurs broderies. Succession de 4 imitations de « c »).
D : Contraction du thème (à la sous-dominante) sur « a » seulement, puis formule « Descente », « a » en tierces contre « Vom Himmel hoch« . Commentaire 4 (« Vom Himmel hoch » rectus et inversus, 1ère formule en doubles de « c » inversus)
E : Retour au ton principal. « a » en sixtes, « Descente » / « a » en tierces, commentaire 5 « Vom Himmel hoch » rectus et inversus, « a » accompagné de broderies.
F : Dominante. Superposition des divers éléments : « a », deuxième contrepoint, « Descente, « a » inversus, arpège;
G : F au ton principal. Puis commentaire 6 (4 « Descentes » toujours avec leurs broderies).
H : Pédale de dominante. Tension croissante, 4 formules « c » enchaînées de la basse vers l’aigu, ponctuées par des accords qui vont créer rupture mes. 77, 78 & 79 (mystère de la croix). Cadence parfaite très affirmée.
I : Coda. Pédale de tonique. Superposition de tous les éléments. Symboliquement la formule « Descente » part du haut du clavier pour descendre progressivement jusqu’à la note la plus grave du pédalier.
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FUGA
Nous avons déjà remarqué dans la Passacaille BWV 582 l’utilisation très importante du tétracorde ascendant ou descendant, en relation avec la Partita « O Gott, du Frommer Gott » BWV 767, ici la cellule est omniprésente. L’idée d’acceptation, récurrente dans la Partita et la Passacaille, nous éclaire du coup sur l’idée force de cette fugue.
Il s’agit d’une fugue en Séquences : chaque séquence recommence à deux voix et nous propose un nouveau projet de fugue. En voici le plan :
(Attention les carrés blancs ne rendent pas compte du caractère éminemment imitatif de ces passages libres, qui utilisent quasi exclusivement du matériel connu, notamment les tétracordes et les broderies…)

Et maintenant voici la partition coloriée de ce chef-d’œuvre :




