“L’Explication” : table des ornements de J.S. Bach
Table des ornements chez Jean-Sébastien Bach
« L’Explication » est une table des agréments que J.S. Bach a rédigée en exergue du Clavier-Büchlein destiné à son fils ainé Wilhem Friedemann. Cette table est insuffisante pour comprendre l’art de l’ornementation de J.S. Bach. Il s’agit des agréments de base qu’un jeune homme se doit de connaître pour continuer ses études de clavier.
Voici le manuscrit en question :
Et maintenant une mise au clair moderne pour plus de commodité :
Voici la traduction en français : Explication de signes divers, montrant comment jouer certains agréments correctement.
Il y a un petit problème avec ce texte, c’est qu’il mélange plusieurs langues : français, italien et allemand. Le titre « d’Explication » veut rendre grâce aux français, qui, nous l’avons vu, étaient considérés comme les plus perspicaces en la matière. Bach se targuait de bien parler le français, mais il commet plusieurs erreurs. Dans les mouvements de la Fantaisie BWV 572 (aussi intitulée « Pièce d’Orgue »), hommage au grand Plein-Jeu Français, il indique les mouvements en français : Très vitement (sic!), puis Gravement et Lentement.
Voici quelques observations :
N° 1 Trillo : die Triller en allemand, tremblement en français, trillo en italien.
N°2 Mordant : Mordente en italien, Das Mordent en allemand, pincé en français. Mordant en français n’a jamais existé, mais c’était tellement proche de Mordent….
N°3 : Trillo und mordant : tremblement avec terminaison en français.
N°4 : Cadence : plusieurs termes selon les auteurs français, le plus usité : Tour de gosier. (Gruppetto depuis le XIXe siècle)
N°5 : Doppelt-Cadence : tremblement avec préparation (par le degré inférieur).
N° 6 : Idem : tremblement avec préparation (par le degré supérieur).
N° 7 : Doppelt-Cadence und Mordant (avec M majuscule sic ; en allemand les nom communs prennent la majuscule…. pas en français) : tremblement avec préparation et terminaison.
N° 8 : Idem : Idem
N° 9 : Accent steigend : port de voix.
N° 10 : Accent fallend : coulé.
N° 11 : Accent und Mordant : port de voix et pincé.
N° 12 : Accent und Trillo : Tremblement appuyé.
N° 13 : Idem : Tremblement appuyé.
Première remarque, les tremblements sont toujours indiqués commençant par la note supérieure. En effet dans la musique exclusivement instrumentale de clavier de J.S. Bach, la très grande majorité des tremblements utilise le signe français et s’entend par la note supérieure. Mais ce n’est pas le cas dans les cantates notamment et il y a des exceptions. Pour faire simple, il faut considérer le poids harmonique de la note principale et entendre si celle-ci est indispensable à la bonne compréhension de l’harmonie. Je dresserai un catalogue des exemples les plus significatifs à la fin de cet article. Le soucis, comme chez Mozart (à l’inverse : toujours note principale et parfois note supérieure), c’est que lorsque le trille doit commencer par la note principale alors que le signe est w (rarement l’inverse chez J.S. Bach) et que la faute est à leur sens évidente, ils ne prennent pas la peine de préciser quoi que ce soit. En effet frapper des quartes ou quintes à vide est le plus souvent insupportable pour eux. Pire par mouvement direct entre basse et chant, c’est interdit. Lorsque, exceptionnellement ils le souhaitent, là ils précisent, et même, à l’occasion par des petites notes en « toute lettre », si je puis m’exprimer ainsi, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Il convient donc de toujours considérer l’harmonie et non pas seulement la tournure mélodique.