Symphonie N° 25 KV 183
MOZART
SYMPHONIE N° 25 en Sol mineur
KV 183
1er mouvement
Ce premier mouvement de symphonie est un bel exemple de composition adoptant la forme Sonate bi-thématique. Je vous propose d’observer de près cette œuvre afin, dans un deuxième temps, de la comparer avec le KV 550 (40° symphonie, également en Sol mineur). Quinze années séparent ces deux compositions (1773 – 1788). Il sera très intéressant de voir comment Mozart, avec un matériel similaire, saura non seulement se réinventer, mais donner un caractère encore plus dramatique. Voici donc, tout d’abord, le plan de ce mouvement.
EXPOSITION :
Thème A :
A : a1, a2 / A’ : a1, a1, a1′, a3
PONT :
p1, p2 en canon / dév de p2 / p3
Thème B :
B1 : b1, b1′ / B1′ : b1, b1′ / B2 : b2, b2′
Codetta
DEVELOPPEMENT :
sur a1 varié ( plus nouvel élément en contrepoint imitatif)
transformation de la cellule de la codetta (c)
reprise de a1 puis de (c)
monnayage de (c)
REEXPOSITION :
Thème A :
A : a1, a2 / A’ : a1, a1, a1′, a3
PONT :
p1, p2 en canon / dév de p2 / p3 (légèrement développé)
Thème B :
B1 : b1, b1′ / B1′ : b1, b1′ / B2 : b2, b2′
Codetta
CODA
sur a1 varié
Le thème A peut se décomposer en deux grandes phrases : A et A’.
A se déroule sur trois carrures viennoises (12 mes.) et A’ sur quatre (16 mes.)
A se compose d’une première cellule de quatre rondes (a1) : un saut de quarte descendant puis un intervalle de septième diminuée très caractéristique. Cette cellule est présentée au Hautbois, accompagnée par les cordes, à l’unisson, mais avec un rythme syncopé. a2 semble lui couper la parole avec un arpège de Sol mineur de tous les violons à l’unisson. Les cors ponctuant le discours à contre-temps ainsi que les hautbois et les basses insistant sur les quatre doubles en forme de tour de gosier.
A’ ne réexposera pas a2, mais a1 par trois fois comme une litanie, la troisième prenant une autre direction pour se stabiliser sur une pédale de dominante (a3). Toute cette phrase se dirige en diminuant vers un repos sur la dominante. Il s’en dégage une toute autre atmosphère, pleine de calme et d’interrogation…

Le Pont reprend un discours autoritaire et forte. Il peut se découper en trois parties. Dans la première il présente aux violons une phrase composée de deux éléments très dissemblables : un saut d’octave en rondes (p1), puis chute sur la dominante en notes répétées par un port de voix double descendant (p2). Les basses répondent, tel un conséquent, la même idée : départ sur la septième de dominante et chute sur la tonique. Après la redite de cette période, il nous propose la répétition de p2, aux basses, accompagné par des arpèges monnayés en doubles aux violons. Cet accompagnement prendra la parole en devenant p3. Une succession de marches harmoniques nous mènera vers cette troisième période. L’harmonie devient plus tendue : après un simple accord de septième de dominante, puis de sa résolution en Si b majeur, Mozart commence par utiliser le ton homonyme (Si b mineur), puis transforme cet arpège en septième diminuée, pour installer de manière ostentatoire la note fa, (dominante de Si b majeur).

Le Groupe B commence par exposer un nouveau thème B1, en Si b majeur, comme la forme le prévoit. Le ton est beaucoup plus léger et la nuance piano concourt au contraste avec ce qui précède. Les coulés vifs et les notes détachées caractérisent la première carrure (b1), tandis que b1′ adopte un lié par deux suivi de deux notes piquées. Ces deux cellules répétées à l’envie se gravent facilement dans la mémoire de l’auditeur. Tout ceci est accompagné par des noires piquées aux basses dans un style de danse populaire. (Musique de cirque avant l’heure…). Ce qui est absolument génial, c’est la carrure à 3 1/2 de b1′ : La répétition de B1 s’en trouve décalée par rapport à la mesure, mais surtout donne un sentiment de trébuchement, renforcé par la nuance Forte ! Le Hautbois et les Cors renforcent cette redite et les basses sont inversées.
B2, à caractère cadentiel, peut se décomposer en deux idées : b2 à base de fusées en doubles croches, ponctuées par les basses. Puis b2′ : les doubles aux basses de la tonique à la dominante puis le contraire en redescendant, accompagnées par des arpèges des violons 1, monnayés en doubles comme dans le Pont.
Deux mesures de Codetta, avec retour à la dominante de Sol, nous permettent de revenir au début de l’œuvre.

La répétition de la Codetta par deux fois, en marche harmonique, permet d’introduire la tonalité d’Ut mineur pour le développement. Tandis que les Hautbois commentent a1, un dialogue s’établit entre Violons 1 et Basses sur une cellule disjointe et staccato, munie d’une levée en croche. Cette cellule sera d’abord traitée en canon, puis va se renouveler peu à peu pour nous entraîner dans un feu d’artifice de mouvements droits et contraires ! Les valeurs longues du Hautbois semblent n’être plus qu’un contrechant à ce combat entre basses et dessus… Un retour au calme saisissant se fera mes. 97 par la réexposition de a1, légèrement varié, sur pédale de dominante de Re. L’accompagnement revient aux simples noires comme mes. 17. L’irruption de la codetta transformée n’en sera que plus violemment ressentie. Reprise de ces deux éléments de développement, avant que la nouvelle cellule de codetta monnayée en croche, ne serve de prétexte à une longue hésitation sur l’objectif harmonique : la dominante de Sol évidemment. Ce chromatisme très expressif se retrouvera de manière encore plus éloquente, quoique vraiment similaire, dans la fin, également, du développement de la 40ème … Grand soufflet des vents sur un accord de dominante pour amener la réexposition.

La réexposition du thème A se fera quasiment à l’identique : seul le retour au calme sera plus tardif. Maintien des valeurs longues aux Cors mes. 129 et suivantes… Piano seulement mes. 133.

Dans un premier temps, le Pont ne fait que transposer les première et deuxième parties une tierce plus bas (début en Sol mineur). En revanche mes. 171, les harmonies se font plus menaçantes et Mozart ajoute une modulation supplémentaire en Ut mineur, plus tendue, à l’aide d’une septième diminuée, que dans la présentation originelle en majeur. Le pont se termine évidemment sur un Re très affirmé dominante du ton principal.

Le caractère primesautier du groupe B se trouve passablement terni par le changement de mode ! B1 en Sol mineur, ça nous fait beaucoup moins rire ! C’est très souvent le cas dans les sonates de tonalités mineures, la réexposition du groupe B est un nœud critique du discours musical. Le passage en mode mineur « plombe » très souvent l’atmosphère, surtout lorsque les thèmes sont de caractère galant. Chopin gardera, pour cela, son Thème B en majeur dans sa Sonate en Si b mineur. Le mode mineur pour son thème B, triomphant du conflit dans le développement, est inenvisageable…
Légère modification de la cellule des violons dans b2, b2′ et codetta simplement transposés.

L’œuvre se termine diminuendo par une Coda construite sur la cellule a1 variée et en canon. Rythme pointé et arpège descendant de sol mineur par paliers, pour finir.

Voici donc une œuvre déjà très aboutie, composée par Mozart à l’âge de dix-sept ans, pour un orchestre modeste, sans trompettes ni timbales, mais dont se dégage une atmosphère déjà très « Sturm und Drang ». Avec des moyens limités il sait donner le caractère qu’il souhaite à sa composition ! Ce qui est incroyable, c’est que quinze années plus tard il composera une œuvre aux accents et matériel très comparables et qui nous semble, pourtant, entièrement renouvelée ! A suivre…