Symphonie N° 40
Symphonie N° 40 en Sol mineur
KV 550
1er mouvement : Allegro molto
Forme.
Cette pièce est de forme tripartite, de type Allegro de Sonate à deux thèmes.
L’exposition comporte un thème A en Sol m (mes. 1 à 20), un pont qui va de Sol m à la dominante de Si b majeur (mes. 21 à 43), un groupe de thèmes B en Si b M (B1 mes. 44 à 66, B2 de 66 à 88 et B3 de 88 à 99). Un accord + 6 de Vte de Sol, sec permet soit de reprendre soit de poursuivre vers le développement.
Le développement (mes. 101 à 165 / 166) est entièrement construit sur la première phrase du thème A auquel va se superposer ensuite un nouvel élément en croches staccato, traité en contrepoint. renversable. Ce développement se termine par l’utilisation de la cellule initiale traitée en question réponse dans une sorte d’accélération, avec beaucoup de chromatismes renforçant le sentiment angoissée de ce passage. Une longue pédale de dominante nous ramène vers le ton principal a fins de réexposition.
Dans la réexposition (mes.164 à fin) on retrouve le Thème A (mes. 164 à 183) à l’identique en Sol mineur (excepté que la première phrase est doté cette fois d’un magnifique contrechant au Basson), le pont, cette fois bascule très vite vers Mi b Majeur (toujours en utilisant la première phrase de A) puis va être véritablement développé dans le même esprit que le passage central du développement (contrepoint renversable) mais cette fois sur les éléments du pont. L’arrivée s’effectue néanmoins sur la dominante de Sol afin que le groupe B soit réexposé au ton principal comme la forme le prévoit. Le groupe B est donc réexposé en Sol mineur ; pour B1, avec un petit développement lui aussi (mes. 248 à 254), simple redite du trille en modulations successives pour revenir tout de même en Sol m. B2 est identique, simplement transposé, mais B3 va prendre un tour très angoissé Mes.281, par l’irruption du rythme pointé de B2, dans une montée chromatique sur pédale intérieure de Sol. Levée de 286, une Coda rappelle le motif initial de A traité en trois entrée successives dans l’esprit d’une strette, pour se voir couper la parole mes. 293 par l’élément B3/2. Trois accord scandés concluent ce premier mouvement très dramatique.
N.B. : quelques N° de mesure terminent une partie, alors que la suivante commence légèrement avant ; il s’agit de tuillage des différentes parties.
Ce premier thème est bâti sur deux grandes phrases A1 et A2 : la première en antécédent / conséquent de deux fois 4 mesures (carrures viennoises), la seconde sorte de commentaire de la première aboutissant à une stabilisation sur la dominante Re. La première phrase A1 est caractérisée par trois appels en levée (deux croches / noire, cellule génératrice de l’œuvre) aboutissant la première fois sur une sixte ascendante puis la deuxième sur une note répétée. L’antécédent arrive sur le II° degré, tandis que le conséquent revient au ton principal. A2 utilise toujours le rythme en anapeste, mais bifurque immédiatement vers une cellule en arpège muni d’un chromatisme retourné, ce motif étant répété deux fois avant de se stabiliser sur le Re très accentué par ses hésitations par Do# qui retombe inéluctablement sur cette note dominante de Sol.
La nuance p de l’orchestre à cordes donne un caractère mystérieux à tout ce début, tandis que les bois et les cors vont entrer F sur l’affirmation de la dominante levée de mes. 47.

Le pont commence par la première phrase de A (a) en Sol mineur, puis transpose a’ en Si b M afin d’exposer le motif du Pont dans cette tonalité. Il s’agit de deux notes longues formant intervalle de quinte suivies d’un motif arpégé joué staccato et F. Suivent des gammes sur la dominante de Fa répétées quatre fois avant le motif disjoint très caractéristique (Fa Do La Réb / Mi Sol Fa). La dominante du relatif est clairement installée.
Un silence très éloquent porte l’attention sur le thème B.

Le groupe B peut se diviser en trois sections :
B1 (Mes. 44) est une longue phrase descendante en deux parties (elles aussi en Antécédent / Conséquent de 4 mesures chacune, comme A) orchestrée entre les premiers violons et le Hautbois. Cette phrase est répétée deux fois, avant, la aussi d’aboutir à une note pivot, accentuée avec insistance, avant la cadence en Si b M.
B2 (Mes 66) se caractérise par un mouvement chromatique ascendant puis un motif disjoint en rythme pointé aboutissant à une longue gamme descendante. La deuxième partie de B2 (b22) utilise la cellule initiale de A traitée en contrepoint avec une plainte en réponse entre violons 1 et Basses. Le contraste entre l’énoncé piano de la plainte et l’affirmation Forte de la cellule initiale de A (cg) est saisissante. Cette cellule aboutit cette fois sur une cellule en noire pointée croche très conclusive. Cet élément b22 est répété deux fois avant l’apparition de B3.
B3, à caractère cadentiel, est composé de gammes diatoniques, ponctuées d’accords très affirmatifs oscillant entre tonique et dominante en Si b Majeur.



Description du développement.
Il est entièrement construit sur la première phrase de A, la cellule génératrice prenant de plus en plus d’importance.
Dans une première séquence, il va exposer cette phrase en Fa# mineur, tonalité on ne peut guère plus éloignée de Sol mineur ! Il s’agit d’une caractéristique majeure du style mozartien tardif (voir la Fantaie en Fa m KV 608, qui emprunte des chemins harmoniques bien plus hardis que ses successeurs directs (Beethoven par exemple). L’altération de la dernière note de la phrase permet une véritable surprise harmonique, mais qui finalement s’avère n’être qu’un leurre puisque A continue en Fa # mineur quand même… En revanche la deuxième fois cette altération nous mènera vers Mi m.
Mes. 114 apparaît un nouvel élément en croches staccato, formant contrepoint avec A et qui sera traité en renversable avec cette phrase initiale. Les Violons et les Basses vont s’échanger les voix dans un discours aussi passionné que haletant. Voir l’Analyse harmonique dans le texte.
Dans une troisième séquence, la cellule initiale est omniprésente dans un resserrement de plus en plus efficace, entre différents personnages, au discours de plus en plus inquiet. La nuance Forte installe avec autorité la pédale de dominante Re, aux cors puis au Basson, avant descrescendo permettant la réexposition. Le glissement chromatique de cette dernière séquence confère à ce passage un sentiment d’instabilité harmonique stupéfiant et particulièrement novateur pour l’époque. C’est l’un des traits de génie de Mozart. Comparez avec la fin du développement de la 25° KV 183… Il y a un monde entre ces deux passages !



Réexposition.
Le thème A est réexposé à l’identique, hormis le contrechant admirable du Basson.

Le pont, comme nous l’avons déjà dit, va subir un véritable développement, qui concours à la dramaturgie de l’œuvre.


Le groupe B procède de la même manière, mais ses éléments transposés cette fois dans le mode mineur prennent un caractère beaucoup plus dramatique. Comme toujours, ce changement de mode occasionne un bouleversement du discours, procédé dont les romantiques se souviendront. Il est intéressant de noter que Mozart n’hésite pas à ajouter un petit développement à B1 (mes. 248 à 253) simple marche harmonique sur la dernière mesure de B13 .
B3 est interrompu avec vigueur par la cellule pointée de B2 (Mes.281). Cette séquence qui se termine en suspension, introduit une Coda qui rappelle la phrase initiale, véritable leit-motiv de ce mouvement à la fois très contrasté et unifié par ce thème principal. La fin de cette Coda reprend simplement B32.




Langage harmonique.
Le plan tonal formel est très classique. En revanche le développement fait la part belle aux modulations les plus surprenantes.
EXPOSITION :
THEME A PONT THEME B
Sol m / Ré M (Vte) Sol / Si b M / Fa M (Vte de Si b) Vte de Si b / Si b M
DEVELOPPEMENT
Ambiguïté Vte de La (L’orthographe le laisse croire) puis
Fa# m / Vte d’Ut# / Fa# m / Vte de Fa# / Vte de Si / Vte de Mi m /
Mi m / La m / Ré m / Sol m / Ut M / Fa M / Si b M /
Vte de Si b M / Vte de Sol m / Vte de Ré = La M
Pédale de Fa (Vte) / Pédale de Sol (Vte) / Pédale de Ré (Vte ton principal)
REEXPOSITION :
THEME A PONT
Sol m / Ré M (Vte) Sol m / Vte de Mi b M / Mi b M / Fa M Vte de Fa / Fa m / Si b M… Vte de Sol
THEME B CODA
Vte de Sol m / Sol m Vte de Si b / Modulations / Sol m Vte de Sol m / Sol m
Les modulations procèdent presque toujours par l’utilisation de la dominante du ton suivant. Mais les glissements chromatiques par demi-ton nous mènent très loin en un seul accord. Les accords employés, septièmes d’espèce, neuvièmes de dominante mineures avec et sans fondamentales, accords de dominante sur pédale de tonique (triple appoggiature, mes. 148) renseignent sur la période de composition de cette pièce : fin de la période classique ou début de la période romantique. L’accord appoggiature de la mesure 150 qui superpose Sol bécarre et Sol # est d’une audace très en avance sur son temps. Terminée en juillet 1788, cette œuvre est caractéristique de la manière « Sturm und Drang » de Mozart.
Traitement instrumental.
Sans être d’une virtuosité excessive, l’écriture pour les cordes est néanmoins assez exigeante. L’orchestration initiale ne prévoyait que Flûte, 2 Hautbois, 2 Bassons, 2 cors et l’orchestre à cordes.
L’accentuation est très contrastée : l‘alternance entre passages pianos et forte est relayée par l’orchestration et notamment par les cors investis d’un rôle très dramatique.
Après trente-neuf symphonies, Mozart se renouvelle encore et nous livre ici un véritable chef-d’œuvre, à la fois respectueux du plan de la forme sonate classique, tout en s’affranchissant dans le développement du plan tonal traditionnel et en se permettant un développement dramatique du Pont dans la réexposition.
L’analyse de cette œuvre ne peux que nous laisser interrogatif sur le destin de cet homme d’exception, qui disparaîtra dans trois ans et dans l’expectative de son devenir de compositeur, tant le champ de ses investigations nous paraît immense et insondable.